Question
Réponse de Maitre Kosen
Peu de temps après sa mort, j’ai le souvenir très net que Roland, Étienne et moi, étions parfaitement d’accord et en harmonie sur ce sujet, aussi bien par rapport aux disciples européens que par rapport aux maîtres japonais. Ces derniers nous témoignaient d’ailleurs leur plus grand respect quand ils voyaient notre fidélité à Deshimaru. En gros, Sensei nous a demandé de nous harmoniser avec la Sotoshu et de garder de bonnes relations avec elle, mais en aucun cas de la suivre ou de suivre le zen japonais qui, déjà pour Deshimaru, appartenait au passé. Il disait : « La grande majorité de mes disciples qui vont au Japon se trompent par la suite. Ceci parce qu’ils y voient un zen d’église et de hiérarchie. Ça n’est plus la vraie transmission ». Il ajoutait : « Vous devrez créer le zen du futur à partir de mon enseignement et non pas faire du zen vivant que je vous ai enseigné un sous-produit de l’église bouddhiste japonaise. Vous êtes plus importants et plus grands que les maîtres japonais, …, etc. »
Vous pouvez voir que mon opinion à ce sujet n’a pas été forgée par moi seul, mais que je la tiens de mon propre maître, qui lui-même la tenait déjà de son maître Kodo Sawaki. Ce dernier ne voulant à aucun prix prendre le risque que son disciple devienne un moine japonais plutôt qu’un moine de la transmission, refusa pendant près de 40 ans de lui donner l’ordination. Kodo n’appartenait pas à la Sotoshu. Il l’a le plus souvent critiquée et s’est toujours débrouillé seul, quand bien même il fut de nombreuses années Godo du temple de Sojiji.
Lorsque maître Deshimaru vint enseigner le vrai zen en France, en 1967, il n’avait été mandaté à le faire que par son maître, Kodo Sawaki. Pour Sensei, c’était la vraie transmission, il n’y avait rien à rajouter. Au début de sa mission, la seule aide qu’il ait reçue lui est venue des chefs du zen Rinzai et Obaku qui étaient tous deux ses amis. C’est seulement plus tard que la Sotoshu, admirative de son travail en Occident et dans le monde, lui a proposé son soutien, tout autant administratif que financier. Pourquoi ne l’aurait-il pas accepté ? Outre l’aspect matériel, il faut comprendre qu’en tant que japonais, il était important pour lui d’être reconnu officiellement par son pays. Par la suite, la Sotoshu lui a proposé que les ordinations qu’il donnait - et il y en avait de plus en plus - soient enregistrées également au Japon, ce qui leur donnerait un caractère encore plus officiel. Sensei accepta. Encore plus tard, lorsque la Sotoshu proposa que les plus anciens disciples qui l’aidaient dans sa mission reçoivent le grade de missionnaires Dendoshi, Sensei accepta aussi. Il est à remarquer que c’est toujours la Sotoshu qui proposait et jamais Deshimaru qui demandait. Jamais la Sotoshu n’a exigé de lui qu’il modifie son enseignement, ni la manière de faire les cérémonies ou de donner le kyosaku, de coudre et de porter le kesa, de préparer la guen-mai ou encore la manière de la manger, etc. Parce que la Sotoshu comprenait son pouvoir et sa puissance, elle l’a toujours respecté. La Sotoshu c’est comme le Vatican. On ne dit pas : « Ma religion c’est le Vatican. » Cependant, du fait qu’elle gère tout le côté matériel, hiérarchique, et dogmatique du bouddhisme zen japonais, elle a un immense pouvoir au Japon. Sensei l’a toujours utilisé mais ne l’a jamais suivi.
Il y a une grande équivoque quand on veut mettre en parallèle la transmission et la Sotoshu. Parlons d’abord des ordinations. Avant Kodo Sawaki et Deshimaru, la situation était très simple : si vous n’étiez pas fils de moine, vous ne pouviez pas être ordonné, sauf dans de très rares cas et très difficilement. Maintenant que c’est la mode parmi les prélats japonais d’avoir des disciples européens ou américains, les choses ont bien changé. Mais que peuvent-ils enseigner, à part leurs règles locales, leur hiérarchie infinie et leur église qui se meure au japon ? Quant au shiho, il n’a dans la Sotoshu, guère plus de valeur qu’un baccalauréat et n’est qu’un échelon parmi tant d’autres dans la hiérarchie du moine professionnel. Rien à voir avec Bodhidharma et Eka, Bouddha et Mahakashiapa. C’est pourtant bien de ces derniers dont nous parlait Deshimaru et non de la Sotoshu qui n’est en résumé qu’un organisme étatique, mis en forme à la fin de la deuxième guerre mondiale sur demande du gouvernement fasciste de l’époque, pour administrer une forme de la spiritualité zen au Japon. Il nous parlait de la transmission et non de l’église japonaise.
Après sa mort, encore une fois, les grandes instances religieuses japonaises, en accord avec la Sotoshu, ont voulu certifier la mission de Deshimaru comme étant un événement des plus importants dans l’histoire du zen. C’est dans ce cadre-là que j’ai été certifié, ainsi qu’Étienne et Roland, comme successeur officiel et spirituel de maître Deshimaru par le plus grand maître zen de l’époque, Rempo Niwa zenji. C’est un fait historique qui ne pourra jamais être effacé, y compris des archives de la Sotoshu elle-même.
Quelques années plus tard, on m’a proposé de continuer le cursus Sotoshu en participant à une sesshin. Comme tous mes anciens amis de l’AZI y étaient également conviés, je me faisais une joie d’y aller et de pratiquer avec eux. Mais je fus mis au courant que le maître qui enseignait pendant cet événement n’était autre que Harada Roshi, homme qui a passé sa vie à jalouser et à critiquer Kodo Sawaki et Deshimaru par la suite, ce qui m’avait valu de me fâcher avec lui et de quitter son temple avec fracas, quelques années auparavant. Il m’a paru évident que ce choix avait pour but d’humilier des disciples lâches qui avaient trahi leur maître. Comment un disciple digne de ce nom aurait-il pu accepter une telle compromission sans au minimum se couper le petit doigt ? C’est pourtant bien ce qu’ont fait tous mes anciens compagnons. Pour ma part, j’y ai vu le signe que cette direction n’était pas correcte et que Deshimaru n’aurait pas accepté que nous participions à cela.
Je pense que la Sotoshu c’est le passé et que nous devons penser au zen du futur. Malheureusement, les disciples de l’AZI n’ayant pas suffisamment confiance en eux-mêmes, ou n’ayant pas suffisamment d’éveil en eux-mêmes, ont éprouvé le besoin d’aller encore mendier à la Sotoshu, de plus à titre individuel, une reconnaissance et un pouvoir dont ils étaient dépourvus. La Sotoshu en a profité pour leur imposer ses règles, s’approprier le temple de la Gendronnière et faire d’eux des moines hybrides qui tenteront toute leur vie de s’approcher du modèle japonais sans jamais y parvenir réellement. Et quand bien même… Ils n’arriveraient qu’à imiter un zen qui est depuis longtemps déjà, obsolète. En tout cas, ils ne peuvent plus prétendre suivre le zen de Deshimaru, car ils ont, de toute évidence, perdu la foi corps et âme dans la transmission de celui-ci. Je n’ai pour ma part pas perdu la foi dans le fait de reconnaître des disciples comme étant des moines, des nonnes et des bodhisattvas authentiques de la lignée du vrai Bouddhisme transmis depuis 2500 ans et dont je suis le 83ème patriarche. S’il y en a qui préfèrent à cela la Sotoshu qui propose effectivement une vision totalement différente et peut-être un avenir dans sa hiérarchie japonaise, qu’ils le fassent au moins en reconnaissance du fait que cela n’a plus rien à voir avec le zen de Deshimaru, le zen du « Bodhidharma des temps modernes ».
On me dit que Roland, Rafou et peut être d’autres, réordonnent des disciples qui ont déjà reçu l’ordination de ma part ou de celle d’Étienne. Ils leur disent que mes ordinations ne sont pas valables à la Sotoshu puisque je ne suis pas un moine de la Sotoshu, mais un maître de la transmission, disciple de Deshimaru. Et du fait que l’AZI a trahi Deshimaru pour se vendre à la Sotoshu, eux aussi doivent lui faire allégeance s’ils veulent pouvoir pratiquer. Cette deuxième ordination ne sera donc pas basée sur la foi, comme l’était la première (nul n’oublie un moment historique où l’on a engagé toute notre sincérité, où l’on s’est rasé le crâne, où l’on a cousu son kesa, dit au revoir a sa famille, coupé cette dernière mèche et où l’on a reçu, au temple de la Gendronnière, la plus belle cérémonie, formulant le vœu qui construirait notre futur) , non, cette deuxième ordination que propose Roland sera basée sur le doute et le reniement. Il fera de vous un renégat, pour employer le terme approprié, et ce plutôt sous la forme d’un pacte, si vous voyez ce que je veux dire.
Je cite les paroles du Bouddha : « Le soutien des vœux d’aspiration de tous les Bouddhas n’est possible qu’avec la bénédiction de leurs vœux fondamentaux ». Si la démarche que font ces personnes est contraire à l’enseignement du Bouddha, comment penser qu’ils vont aider les disciples à se libérer quand ils utilisent le doute pour les attacher finalement à leurs propres personnes et ajouter un nom à ce qu’ils pensent être leur collection de disciples. Quelle honte ! J’ai un disciple qui a reçu ordination de bodhisattva et de moine de Roland et qui me suit depuis 10 ans. Jamais le moindre mot ni la moindre allusion dubitative n’a été prononcée à ce sujet. En Argentine, des disciples ordonnés par Michel m’ont demandé de les réordonner. J’ai toujours refusé en leur disant qu’ils ne doivent jamais douter de leur ordination. Pourquoi reformuler un vœu de moindre dimension sur notre vœu fondamental ? C’est vraiment une erreur très grave ! Ne me dites pas qu’ils y croient eux-mêmes ou qu’ils pensent aider leur défunt maître en agissant de la sorte.
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