Une journaliste du Midi-Libre nous a rendu visite lors de notre dernière retraite au temple zen du Caroux. Nous la remercions chaleureusement pour cet article paru le 21/04/14.

Insolite : le hameau de Douch, près de Rosis, partage avec l'Argentine, les deux seuls temples zen Deshimaru de la planète. Visite guidée.

Stephane Thibaut est devenu Maitre Kosen-il y a trente-ans

 

 

 

Stéphane Thibaut est devenu maître Kosen, il y a trente ans après avoir été le disciple d’un grand maître japonais. (D. R. )

 

À Douch, hameau de quelques âmes, perché dans les hauts cantons, au pied du plateau du Caroux, on croise fréquemment les mouflons de Corse entre chien et loup, quelques fusils en période de chasse et le petit peuple des randonneurs toute l’année.

Mais depuis vendredi, on y rencontre au gré des chemins, des hommes et des femmes, le crâne rasé, marchant d’un pas tranquille qui les ramène toujours vers un gigantesque Bouddha, à l’entrée du bourg, gardien d’une poignée de maisonnettes.

Un gigantesque Bouddha, à l'entrée

Douch possède en ses flancs l’un des deux temples bouddhistes zen du maître Deshimaru. L’autre se situe dans l’hémisphère sud, en Argentine.
"Nous avons acheté ce domaine, il y a une petite dizaine d’années pour y abriter nos sesshins (retraites NDLR), parce que l’endroit est magnifique, propice à la méditation. Chargé d’histoire et d’émotion aussi, C’était le berceau de la résistance française, On espère faire honneur à ces braves", explique Stéphane Thibaut, ex-Parisien, néo Montpelliérain, devenu il y a plus de trente ans, Maître Kosen, disciple de Maître Mokudo Taisen Deshimaru.

Alors à Douch, entre les murs d’une ancienne colonie de vacances, il continue la transmission d’un enseignement commencé il y a 2 500 ans.

"J’avais 17 ans, et une forte quête spirituelle. J’étais prêt à partir en Inde ou en Afrique pour chercher un guide, se souvient Maître Kosen, et finalement, c’est à Paris que j’ai rencontré ce maître japonais. Nous avons construit un temple dans la région de Blois. En 1982, il est décédé à l’âge de 69 ans et nous a tous pris au dépourvu".

L'enseignement du maître Deshimaru se perpétue

Les disciples vivaient à Montparnasse. "On formait une petite communauté de quartier. Celui qui était considéré comme le pape du zen japonais a désigné trois élèves pour perpétuer l’enseignement de Deshimaru, dont ma modeste personne".

Jusqu’à lundi, il apprendra et guidera, quelque quatre-vingts néophytes ou aguerris au zazen, dans la chaleur du dojo. Ils viennent de toutes les régions de France, mais aussi d’Europe, Allemagne, Scandinavie, Espagne…

Véronique, 51 ans, marionnettiste et clown montpelliéraine pratique depuis l’âge de 18 ans. Elle se rend quasiment chaque jour au dojo. "Ma vie quotidienne, c’est me lever le matin et aller au dojo. La pratique fait partie de ma vie". Mais ne fait pas partie de celle de son fils Sahsha, 20 ans : "Trop difficile pour lui. L’assise est quand même contraignante. Mais il a grandi dans le zen puisqu’il venait avec nous ici".

Dans le hameau, les enfants des disciples courent et jouent. Zen naturellement, c’est le privilège de l’enfance.

Ici, on cuisine, on construit, on jardine

On appelle cela le samu, autrement dit le travail manuel. Et chaque stagiaire met la main à la pâte lors des sesshins. Le samu est l’autre versant essentiel de la pratique de zazen.

"D’abord parce que cela diminue le coût du stage qu’on s’efforce de rendre accessible à tout le monde, mais surtout parce qu’il faut apprendre à continuer la conscience dans l’action et notre vie quotidienne", explique maître Kosen.

Où l’expression populaire rester zen prend là toute sa signification.

Un point d'ancrage

"On ne laisse pas s’éparpiller notre esprit dans tous les sens, le zazen est notre point d’ancrage. Cela nous aide à mieux gérer le stress, à se contrôler quand on se dispute avec sa compagne, c’est l’art de trouver un équilibre dans toutes les situations. Cela ne nous empêche pas de traverser des moments difficiles mais on se rend compte que le zazen nous aide beaucoup. Mais cela ne m’empêche pas de me mettre en colère", sourit Stéphane Thibaut.

Paula, chercheuse et enseignante dans une école d’architecture, vient de Suède quatre fois par an, aux sesshins, avec son époux et ses deux enfants de 12 ans et 7 ans : "Cela fait vingt ans que je pratique. Au début on voit plus l’effet après cela devient quelque chose de normal. On n’a pas besoin de faire des trucs extrêmes. C’est se recentrer sur l’instant, apprécier les petites choses".

Au fait, pourquoi se raser la tête ? "C’est une tradition, héritée du Bouddha qui a tout abandonné pour chercher le sens de la vie. C’est un symbole, il signifie couper avec l’attachement social ou familial, être plus libre et indépendant pour aider les autres".

Le zazen ? la posture ancestrale de Bouddha

Le zazen est la posture traditionnelle du lotus, pratiquée par l’être humain depuis la préhistoire.

"Zazen n’est ni une théorie, ni une idée, ni une connaissance à saisir par le cerveau. C’est uniquement une pratique qui change radicalement notre propre esprit. C’est se fondre avec tout l’univers", explique Maître Kosen.

Le bouddhisme lui-même est un fruit du zazen. La légende dit qu’avant le Bouddha Shakyamuni, il y a eu sept Bouddhas : le bouddhisme fait donc référence à un temps antérieur à lui-même. En effet, la posture de zazen remonte à la nuit des temps. De nombreux vestiges archéologiques en attestent.

"Elle est un trésor fondamental de l’humanité. Le bouddhisme historique est né à partir du zazen du Bouddha il y a 2 500 ans et s’est transmis depuis sans interruption".

Un peu d'histoire

Mokudo Taisen Deshimaru en fait partie. Né au Japon en 1914, il grandit auprès de sa mère et de son grand-père, ancien samouraï. Dans sa jeunesse, il rencontre Kodo Sawaki, grand maître du zen Soto, et suit son enseignement. Il est ordonné moine par celui-ci, qui lui demande de partir en Europe et d’y répandre la pratique du Zen.

Il se rend à Paris en 1967. Dès lors et jusqu’à sa mort des suites d’un cancer en 1982, il enseigne le zen à de très nombreux disciples, dont le plus ancien est Kosen Thibaut.

Sesshin est un mot traditionnel japonais signifiant "toucher l’esprit". Il désigne une période de retraite spirituelle durant laquelle les pratiquants vivent au rythme de la pratique intensive des temples zen. Une telle période compte généralement, en alternance des moments libres, quatre séances par jour, des repas et des cérémonies traditionnels ainsi que la participation aux travaux. Les sesshins réunissent les moines et les nonnes et permettent également aux débutants, de faire l’expérience authentique de la vie des temples.

ANNICK KOSCIELNIAK
21/04/2014

Source : Un temple zen Deshimaru au pied du plateau du Caroux

 

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